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13 novembre 2019

5 (2) Scène de genre et nature morte

 

Hirst -for-the-love-of-god

5 (2) Scène de genre et nature morte

 

 

 

Une parenthèse historique s’impose où l'on peut voir que se mêlent l'art, l'histoire des peuples et les religions.

En effet, au nord de l’Europe, les sept Provinces Unies -dont la Hollande- protestantes se séparent de l’Espagne catholique qui occupait leurs territoires. Une guerre sanglante s’en est suivie qui se termine en 1648 par la victoire des provinces révoltées tandis que le sud de la région reste espagnole et catholique. Deux peintres illustrent cette opposition : Rembrandt pour les Pays-Bas (la Hollande), Rubens pour les Pays-Bas espagnols, qui formeront au XIX ème siècle l’essentiel de la Belgique.  

Trois points sont à considérer: Les protestants, plus austères que les catholiques n'apprécient pas la représentation des choses divines et leurs temples ne sont pas ornés de tableaux religieux, ce qui privent les peintres d'un débouché important. De même,  leur aristocratie est moins riche que celle des pays catholiques. Et enfin une classe bourgeoise s’impose rapidement qui a des goûts propres..

Plusieurs conséquences : 

-       l’absence de tableaux du « grand genre » ; 

-       le désir de la part de la bourgeoisie de se voir représentée dans des œuvres qui célèbrent leur façon de vivre. Précisons que les protestants voient dans la richesse la juste rétribution des efforts fournis par le travail, jugé indigne par l'aristocratie catholique ; 

-       une demande de tableaux de dimensions modestes, pour des intérieurs privés et non pas pour des palais, ce qui a pour effet de proposer au spectateur une vue rapprochée de l’œuvre, propre à déceler les fameux détails.

 

   

 

La peinture de genre : Un art ancien mais un genre parfois difficile à cerner

 

La scène de genre est bizarrement nommée. Elle n’est ni peinture d’histoire, ni paysage, ni portrait et couvre un domaine 

EGYPTE Paysans aux champs XVème s avant notre èrelongtemps aussi peu estimé par les amateurs et les acheteurs éventuels que par les peintres eux-mêmes, celui du quotidien, de la rue ou de l’espace domestique. La peinture de genre selon le nom qu’on lui donne au XVIIIème est un genre sans dénomination particulière. C’est dire à quel point elle est peu considérée.

 Elle a un cependant un long passé. Les fresques qui ornent les tombeaux des pharaons sont ornées de scènes illustrant le travail des paysans censées accompagner le défunt dans l’au-delà. 

 

Les Très Riches heures du duc de Berry sont illustrées d’enluminures des frères Limbourg qui montrent la vie quotidienne. On notera la fraîcheur des couleurs, la perspective traditionnelle, maladroite par rapport à l'art qui naît à la même époque à Florence, le goût du détail.

Limbourg Juillet

 

 

 

 

 

 

Voici trois tableaux qui témoignent de la difficulté à considérer ce genre.

Rembrandt_1640 -_LA SAINTE FAMILLE

 Ce tableau de Rembrandt de 1640 nous montre un intérieur où travaille un menuisier auprès duquel une femme nourrit un jeune enfant. Une autre, plus âgée se tient à côté de la première.  Un chien paresseusement étendu et un chat complètent une scène paisible. La palette de bruns et de tons dorés est bien dans la manière du peintre. 

Une large ouverture donne une chaude lumière à la pièce. 

Le berceau contient du linge blanc, une couverture. La mère n’est vêtue ni comme une paysanne ni comme une femme d’artisan pauvre. 

La verrière qui surmonte la fenêtre est étonnante pour un logis d’artisan. Tout comme l’énorme cheminée, qui ferme le cadre à droite, où un chaudron contient sans doute le prochain repas. 

Cette scène familiale n’est pas (complètement) une scène de genre. Par la seule vertu de son titre, La Sainte Famille, elle nous donne une autre dimension et relève (mais pas complètement) du « grand genre », celui de la peinture d’histoire et de la peinture religieuse. Sont donc présents Joseph, Marie, peut-être sa mère Anne et le poupon divin. 

 

 

 

Greuze_1769 Septime_Severe_et_Caracalla

J’emprunte un autre exemple à Daniel Arasse.  Il s’agit du récit de la mésaventure qu’a connue Greuze en 1769. Il avait été reçu à l’Académie royale de peinture et, comme c’est la coutume, devait présenter pour le Salon une de ses œuvres. Il choisit son sujet dans l’histoire romaine et plus précisément le moment où l’empereur Sévère accuse son fils d’avoir voulu le tuer. 

Faute impardonnable ! 

Greuze est un peintre reconnu dans son domaine, la scène de genre, mais il a choisi là un « grand » sujet qui relève de la peinture d’histoire. Il ne s’est pas cantonné à son « petit genre », beaucoup moins prestigieux.  Les qualités qu’on lui reconnaît dans ses tableaux de genre deviennent alors des défauts. Diderot écrit : « [ Il] a voulu sortir de son genre […] Imitateur scrupuleux de la nature, il n’a pas su s’élever à la sorte d’exagération qu’exige la peinture héroïque ». L’empereur a « la peau noire d’un forçat » et le fils est un « vil et bas coquin. L’artiste n’a pas eu l’art d’allier la méchanceté avec la noblesse ».

Ainsi, le détail réaliste qu’on célèbre dans un genre devient défaut dans l’autre. L’affaire suscita un petit scandale et Greuze n’exposa plus jamais au Salon. 

 

Voyons rapidement une fresque de Raphaël qui orne un mur du Vatican: L’incendie du Borgo.  A première vue, l'incendie du

Raphael-Incendie du Borgo 1517

quartier relève bien d'une peinture de genre...

Mais les corps dénudés  musclés sont magnifiés comme ceux de Michel-Ange, les attitudes sont d'une noblesse traditionnelle (la femme à l'amphore sur la tête, celle qui, à genoux, lève les bras au ciel, l'homme qui porte un vieillard pour l'arracher aux flammes et qui rappelle l'épisode mythologique d'Enée fuyant Troie avec son père Anchide...).

La présence -très discrète- du pape  au fond du tableau qui bénit la foule et par ce geste produit le miracle d'empêcher la propagation de l'incendie nous dit bien que malgré la première apparence, il s'agit d'un tableau de la grande tradition religieuse. 

 

De même, la nature morte se mêle à d’autres genres

 

David Les Licteurs

Les licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils de David, 1789

Il s’agit d’une peinture d’histoire : On rapporte à Brutus les corps de ses fils qu’il a lui -même condamnés car ils voulaient rétablir la royauté. Brutus est assis dans l’ombre, effondré. 

On célèbre dans ce tableau l’amour de la patrie qui va au-delà de l’amour paternel.

A droite, dans la lumière, la mère et les sœurs expriment leur douleur. L’expressivité des attitudes, la composition qui propose une lecture parallèle sans profondeur ; un décor sobre aux lignes orthogonales : l’œuvre est bien dans la tendance dite néo-classique de l’époque.

Mais… il y a un détail qui, s’y on s’y attache, prend une importance démesurée : sur

David zoom

la table à côté des femmes, une corbeille à ouvrage se détache, blanche sur le fond sombre et la nappe rouge. On peut y distinguer des ciseaux et une pelote de laine. Il s’agit d’un détail de la vie domestique peu en rapport avec la dignité du sujet. En d’autres termes, un bout de nature morte. Un « détail pictural » qui détourne l’attention du spectateur, et dont la fonction est peut-être de souligner l'irruption du destin qui rompt brutalemant la quiétude du foyer.

 

Zurbaran Agnus_Dei_(1640

 

Rembrandt,_boeuf écorché, _1655,

 

Chardin la Raie 1728

 

 

 

 

 

 

 

 

Si on place le petit agneau de Zurbaran à côté de tableaux tels que Le bœuf écorché de Rembrandt ou la Raie de Chardin, on voit un agneau qui comme le bœuf ou le poisson doit achever son destin dans une assiette et on pourra admirer les couleurs, la composition, etc. mais en vérité le titre nous détrompe : Agnus dei (l’agneau de Dieu).Ce n’est pas la promesse de deux gigots qui est annoncée mais celle de la mort et de la résurrection, comme le montre avec discrétion l’auréole dorée.

L’agneau est bien le symbole du Christ et la nature morte devient tableau religieux. 

Par ailleurs, les tableaux de Chardin posent, bien avant le XXème siècle, le problème du Beau dans l'art.

 

Peinture de genre et nature morte:  diversité et complexité.

On s’accorde à trouver à ces deux genres relègués au fond de la liste quelques mérites, notamment lorsque le but est moral, ou du moins lorsque l’on peut lui trouver une signification morale. 

 

Morale et scène de genre

Greuze maledictionduperelefilspuni 1777

Greuze est le maître incontesté de la moralité picturale. En 1777, La malédiction paternelle montre un père maudissant son fils qui abandonne sa famille pour s'engager dans l'armée. L'année suivante, Le mauvais fils puni montre son retour, au moment  de la mort du père. Le cadrage est étroit, le mur nu, aucune profondeur. Le spectateur ne peut échapper à l'intensité de la scène aux tons bruns. Tous les personnages donnent à lire ouvertement leurs sentiments,  jusqu'au chien qui rampe vers la sortie.

 

 

 

La_Tour_Le_Tricheur_Louvre 1638

 

Le Tricheur à l'as de carreau, (1638) de Georges de La Tour met en scène une partie de cartes  (une variante du poker moderne) qui réunit quatre personnages. Un groupe de trois à gauche et, séparé d'eux, un jeune homme absorbé par les cartes qu'il tient avec précaution dans ses mains. 

Face à lui trois compères. Le tricheur dont la pose désinvolte tend à masquer son dos au jeune homme ainsi que les cartes qu'il dissimule sous une large ceinture. Une servante debout sert un verre de vin. Au centre, une femme identifiée comme une prostituée par le collier et le bracelet de perles rondes qui en sont les signes picturaux habituels. Enfin, la future victime de cette histoire, raide dans son riche habit brodé. Devant lui, des pièces d'or en nombre qui ne vont pas tarder à changer de mains. Un fond noir clôt la scène. Aucun détail ne vient distraire le spectateur. Tout est nécessaire et calculé. Une stricte ligne horizontale joint les yeux des trois joueurs dont les regards cependant s'ignorent. Les mains sont toutes visibles et occupées à des tâches spécifiques. Elles paraissent saisies dans l'action : la main gauche du tricheur se saisit d'un as de carreau, sa droite par contre montre qu'il se soucie peu de montrer son jeu; la servante est crispée sur le flacon de vin, la maîtresse de maison (?) invite son compère à jouer ; celles du jeune homme par contre semblent figées.

Les regards obliques des aigrefins disent assez le tour qu'il vont jouer au quatrième qui littéralement, ne voit rien. La pâleur de la courtisane, le manque d'expression des deux femmes soulignent la tension du jeu. La même couleur rouge unit les vêtements de la servante et du garçon. Seraient-ils soumis à  l'autorité (financière ou sensuelle) de la courtisane?

Le vin, le jeu, le sexe. Dira-t-on que le pauvre petit est cuit et brûlera en enfer ? Ou qu'il brûle sa jeunesse plutôt que de n'en rien faire ?

Cette vie de plaisirs est condamnée par ... la nature morte, ou plutôt l'un de ses aspects.

 

Morale et nature morte

Champaigne, , Vanité, 1671

La Vanité est un sous-genre de la nature morte mettant en scène un certain nombre d'objets symbolisant l'activité humaine.  Le tableau a pour but de souligner le passage du temps qui mène inéluctablement à la mort. Le tableau de Philippe de Champaigne est d'une parfaite simplicité. La fleur va se faner, le sablier et le crâne disent explicitement le sens de l'oeuvre. 

 

 

L'oeuvre de Lubin Baugin est plus complexe. Les divertissements (musique, cartes, jeu d'échecs) ne permettront pas d'échapper

Baugin_Nature morte à l'échiquier

à la mort. Le miroir dénonce la futilité de celui qui est attaché à son apparence. La bourse n'achètera pas la vie éternelle. D'ailleurs, il est sombre et ne reflète rien de la réalité éphémère. 

Le pain et le vin symbolisent l'eucharistie et la présence du Christ. Le messge,ici encore est clair.

 

 

 

 

 

Hirst -for-the-love-of-god

La sculpture de Damien Hirst (2007) est par sa démesure plus ambigüe. Que célèbre-t-elle? Que condamne-t-elle?  "For the Love of God ( Pour l’amour de Dieu), aussi connu sous le nom de Skull Star Diamond, est une réplique d'un véritable crâne humain. Il a appartenu à un homme d'une trentaine d'années ayant vécu au XVIIIè  siècle. La dentition n’a pas été remplacée, il s’agit des dents authentiques du crâne. Il est incrusté de 8601 diamants.  [...] comptant au total de 1 106,18 carats sur une plaque de platine qui recouvre la totalité du crâne. Un diamant rose en forme de poire est également incrusté sur le front. La production de l’œuvre a coûté 14 millions de  livres à l’artiste. (< Wikipedia)

 

 

 Les thèmes illustrés par la scène de genre et la nature morte sont innombrables. On pourrait allonger sans fin la liste : rien de ce qui est humain ne leur est étranger  ! On retiendra en particulier ceux qui suivent:

 

La convivialité : scènes de repas, de fête, de beuveries (les bambochades) 

Brueghel Le repas de noces

 

Le repas de noces, 1567, de Breughel présente une scène de repas dynamique grâce à une forte diagonale qui conduit l'oeil du premier plan au fond de la salle. Les mariés que l'on célèbre disparaissent dans la masse. La mariée, à la mine satisfaite,  se détache néanmoins sur un fond sombre. Les taches rouges des vêtements rehaussent encore les tons chauds de cette toile qui célèbre le plaisir d'être ensemble.

  

 

 

Les pauvres

 Les frères Le Nain peignent la vie des humbles qui accèdent ainsi à la même dignité artistique que les grands de la société. Le repas de paysans, dans un ton uniforme brun présente une scène immobile et silencieuse.

Le Nain, Repas de paysans, 1642

Aucun effet dramatique. Trois enfants, une femme, debout (c'est une femme !), trois hommes assis (ce sont des hommes!). Aucune conversation, les regards ne se croisent pas. Seul l'enfant à droite regarde le spectateur. Les trois hommes sont bien différents: celui du centre porte son regard au loin, et est revêtu d'une cape comme l'enfant derrière lui qui tient un violon. Il apparaît plus aisé que les hommes qui l'entourent. A  gauche, le buveur porte à sa bouche un verre fin qu'on est étonné de trouver dans ce lieu. Il a un vêtement simple mais solide, contrairement au troisième, pieds nus -comme l'enfant derrière lui- qui a une posture affaissée, fatiguée, soumise peut-être. La table est recouverte d'une nappe, rare dans les intérieurs paysans. Que font ces gens attablés? On en est réduit à une hypothèse. S'agit-il d'une scène d'embauche: un propriétaire et son fermier s'apprêtent-ils à  engager un manouvrier ? 

 

 

 

La vie quotidienne

 

La Liseuse détail

 

Vermeer, La Lisuese à la fenêtre, 1657

La Liseuse de Vermeer a la même simplicité énigmatique que le tableau précédent.

La scène, comme c'est souvent le cas chez Vermeer est éclairée par la gauche grâce à une fenêtre largement ouverte. Le côté  droit est fermé par un long rideau vert et une table sépare le spectateur du personnage. La fenêtre ne révèle rien de l'extérieur.  On est là dans un schéma propre à Vermeer qui enserre, protège l'intimité de ses personnages. 

Les rayons X ont révélé que Vermeer avait d'abord placé sur le mur du fond un tableau représentant Cupidon. Il l'a supprimé et le mur est nu. La jeune femme, isolée, se consacre à sa lecture. Aucun élément ne donne désormais d'indications sur la lettre qui l'absorbe. 

La table au premier plan est couverte d'un tapis d'Orient précieux (si coûteux qu'on ne le pose pas au sol).  Une coupe déborde de fruits. "Le fruit coupé du premier plan serait une invitation à goûter les charmes de la jeune femme, et la forme d'une pêche placée dans la corbeille a pu être considérée comme d'une "féminité manifeste"Le désordre des fruits est métaphore du désordre amoureux qui agite la jeune femme et les pommes feraient référence au péché d'Eve. Apparaît alors l'idée d'une relation adultère, qu'elle soit entretenue par la correspondance épistolaire, ou seulement désirée par la jeune femme. (voir article Wikipedia, La Liseuse)

La vitre révèle le profil de la liseuse: le spectateur est renvoyé à l'extériorité et ne saura rien de ce qui trouble (ou pas) la jeune femme. Le "mystère Vermeer" est peut-être là, dans ce désir inassouvi du spectateur devant le tableau qui reste, comme toutes les oeuvres d'art, disait Rainer-Maria Rilke, d'une "infinie solitude".

 

Daniel Arasse, Histoires de peinture: émissions audio et quelques videosses ! :

 https://www.franceculture.fr/dossiers/histoires-de-peintures-de-daniel-arasse?xtor=SEC-500-GOO-[search-dyn-peinture]&gclid=CjwKCAiA8K7uBRBBEiwACOm4d5wINJx1OQT68RHlOza8398DDAkAlzopJafWFR8N1kZmQUDoUoNpARoCxq8QAvD_BwE

 

 A suivre: Scènes de genre... (3)

 

 

 

 

 

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