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17 octobre 2019

5 (1) Scène de genre et nature morte

 

le sexe de la pantoufle

5  (1) Scène de genre et nature morte

 Le sexe de la pantoufle.

 

Pourquoi lier ces deux genres dans un même article ? 

Ils appartiennent tous deux aux derniers étages de la hiérarchie des genres qui, on l’a vu, culmine avec la peinture d’histoire. Le dédain dont ils ont longtemps été l’objet a, me semble-t-il, la même origine. 

 Ils ont en effet un rapport étroit avec la réalité et sa représentation. Non pas que le peintre ne doive pas montrer ce qu’il voit, mais la notion de détail que les théoriciens de l’art ont construit au cours des siècles interdit que lesdits détails envahissent le champ pictural, prennent en somme la place du sujet du tableau. 

 

Malheur et bonheur du détail.

 

Scène de genre et nature morte jouent sur les détails de la vie quotidienne, à une époque où la belle peinture est autant définie par le style du peintre, sa « manière » que par la représentation de nobles personnages. 

Ainsi, l’Italie aime les grands sujets -historiques, religieux, mythologiques- dont elle offre une représentation idéalisée : décor solennel, corps admirables, paysage majestueux.Alors que les pays du nord ont du goût pour le réalisme. 

Plus sans doute que la peinture d’histoire, qui magnifie son sujet, plus que le portrait, dont la vocation est de dépasser le visible pour révéler un trait de caractère, un tempérament, une âme, la nature morte et la scène de genre ont un rapport étroit avec la réalité qui les imprègne et s’exprime par la vérité des détails.

 Or le détail est l’objet d’une abondante controverse dans le monde de l’art. Les critiques les plus fréquentes concernent

-       la composition : dès le XVIème s., Michel-Ange ne supportait pas la peinture flamande, dans laquelle il voyait une «accumulation de quotidien disposé sans ordre ». Alberti exclut le détail au nom de la dignité de la peinture dont aucun élément ne doit détourner le spectateur du thème principal de l’œuvre.

-       la hiérarchie des objets et, somme toute, une conception de la hiérarchie sociale : Le Brun  ne tolère pas que les « plus vils objets d’un tableau … dominent sur les plus nobles ».

-       une autre idée de l’art qui se développe au XIXème s. : au Salon de 1846, Baudelaire s’exprime ainsi à propos d’un peintre dont il estime le tableau si réaliste qu’on peut même « compter les boutons des uniformes » : « Je hais cet homme parce que ses tableaux ne sont pas de la peinture , mais une masturbation agile et fréquente, une irritation de l’épiderme français ». En 1849,

Rosa Bonheur Rosa_Bonheur_-_Ploughing_in_Nevers_-_Google_Art_ProjectRosa Bonheur expose son tableau Le Labourage nivernais. Cézanne qui tient ce peintre pour « un sous-ordre », demande à Ambroise Vollard ce que les amateurs en disent. Vollard lui fait part du succès du tableau. « Oui, repartit Cézanne, c'est horriblement ressemblant ».

 L’art est désormais délié de la reproduction de la réalité et devient une création, un geste purement pictural. Le critique Gustave Planche fera l’éloge des Femmes d’Alger  de Delacroix au Salon de 1824, en écrivant : « C’est de la peinture, et rien de plus ».

Delacroix Femmes d'Alger 1834

 

Malgré tout, la peinture de genre ne va pas disparaître, bien au contraire. Tout comme la nature morte qui va suivre l’évolution de l'art moderne.

 

 

 Reprenons le destin du détail qui dépasse largement les deux genres qui nous occupent.  (Ce qui suit doit énormément à Daniel Arasse, Le détail, Pour une histoire rapprochée de la peinture)

Le détail a deux emplois : il rappelle la réalité dont il est un élément (un « petit important » disait Ingres), mais il peut aussi, en attirant l’œil du spectateur littéralement dé-tailler l’œuvre, tailler son unité. Durant ce « moment du détail », le visiteur s’approche de l’œuvre et par son goût pour telle ou telle partie s’empare d’un morceau du tableau, déplace son centre d’intérêt, et s’approprie l’œuvre tout entière. « L’acte de peinture », le « détail pictural » prime sur la seule imitation.C'est un moment de pur plaisir esthétique et intellectuel.  

bisSamuel_van_Hoogstraten_-_Les pantoufles 1662

Emparons-nous donc d'un élément du tableau de Samuel Hoogstratten, Les Pantoufles, 1662

Pantoufles détail

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qu'y voit-on? Une enfilade de trois seuils encadrant un intérieur propret (l'immense torchon et le balai à gauche sont là pour le souligner - propreté nordique qui étonnait d'ailleurs les voyageurs du sud de l'Europe). 

A première vue, rien à voir. Trois seuils à franchir dont deux sont fermables mais présentement ouverts. Pour nous montrer un salon comprenant un meuble couvert d'un tissu jaune et une chaise de même couleur. Au mur, un tableau, cadre qui s'ajoute aux trois premiers figurés par les seuils. Une belle perspective "à la hollandaise" comme on en trouve dans de nombreux tableaux.

Aucune présence humaine, seules les pantoufles abandonnées (précipitamment ?) dans la lumière indiquent que la maison est habitée.

Tout ça pour quoi?

Pour nous mettre sous les yeux un morceau de tableau représentant un jeune garçon et une femme ( sa mère?). Tous les deux sont près d'un lit dont le dais est entrouvert. Le lourd tissu fait écho aux plis du torchon comme à ceux du  tissu qui recouvre le meuble. 

Ah ? Ah !  

Et c'est le moment du détail, le bonheur du spectateur. Des plis, un balai près du torchon, un bougeoir sur le meuble. Rien de tel dans le tableau: le jeune mâle est déjà pourvu du nécessaire.

Il importe maintenat de sortir le parapluie freudien pour se garer des averses de la critique. Tant pis pour ceux qui s'en offusquent : ils perdent du plaisir.

En deux mots: bougeoir et balai sont des objets phalliques, plis et échancrures sont leurs compléments naturels tout comme la clef et sa serrure. Quant aux  pantoufles, citons maître Sigmund: "soulier, pantoufle désignent symboliquement les organes génitaux de la femme" (Introduction à la psychanalyse, 1923 ). 

Désir? Désir d'inceste? Faut-il conclure?

Le plaisir de l'art est dans l'incertitude.

 

A suivre: Scènes de genre... (2)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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